Adieu au franc français
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Dans quelques semaines maintenant les Français vont devoir dire adieu au franc français. Les euros vont entrer en circulation le premier janvier, et, ¨¤ partir du 17 f¨¦vrier les francs ne seront plus accept¨¦s dans les commerces.

Pour la France qu'est-ce que ça change? Jusqu'¨¤ quel point la monnaie fait-elle partie de l'identit¨¦ d'une nation? Nicolas Resseguier est directeur adjoint de la Banque de France:

«Moi, je pense que c'est un ¨¦l¨¦ment important en effet de l'identit¨¦, c'est sûr, de la souverainet¨¦ et c'est une raison pour laquelle je suis depuis longtemps un chaud partisan de l'euro, parce que je pense que la construction d'une monnaie commune en Europe, justement, est un ¨¦l¨¦ment, est une ¨¦tape, apr¨¨s d'autres et avant, probablement, d'autres, de nouvelles.... est une ¨¦tape justement pour accroître la prise de conscience europ¨¦enne et, ce qui me semble, ¨¤ moi personnellement en tout cas, important que les Français et puis les autres peuples qui le souhaitent, prennent conscience que pour peser dans le monde aujourd'hui il faut ¨ºtre europ¨¦en, on n'a pas le choix, sinon on laisse enti¨¨rement les tr¨¨s grandes puissances dominer la plan¨¨te. Et si on veut peser dans le monde, eh bien il faut construire des ¨¦l¨¦ments de cette identit¨¦ europ¨¦enne. Et j'esp¨¨re beaucoup que la monnaie, comme elle a un aspect tr¨¨s concret, tr¨¨s quotidien, aidera justement les Europ¨¦ens ¨¤ se sentir plus Europ¨¦ens. Alors ça ne veut pas dire qu'ils ne se sentent pas Français, Allemands, Italiens, Anglais en plus, hein, parce qu'il y a des gens aujourd'hui qui se sentent Bretons et Français, je veux dire, c'est pas incompatible. On peut garder un attachement ¨¤ la France et puis en m¨ºme temps avoir un attachement et une sensibilit¨¦ europ¨¦enne.»

Sur le plan logistique, c'est un travail de titan, on s'en doute.

«En France au total, on va fabriquer 7 milliards de pi¨¨ces et 2 milliards et demi de billets.

Ce qui est compliqu¨¦, c'est qu'on change, donc, tous les billets et toutes les pi¨¨ces en m¨ºme temps, et en mati¨¨re de logistique, ce qui est le plus compliqu¨¦, c'est sans aucun doute la gestion des pi¨¨ces, parce que les billets c'est pas tr¨¨s encombrant.»

Monsieur Resseguier s'amuse ¨¤ illustrer ce qu'il dit:

«Ça, cette... ce qu'on appelle une briquette, c'est des billets 'France' qui sont d¨¦truits. Hein, on les d¨¦truit apr¨¨s, on les broie et il y a une machine qui les compacte. Et cette petite briquette, voyez, qui tient dans la main, ¨¤ votre avis ça vaut combien l¨¤, en francs?

-500 francs.

-500 000 francs!

C'est une illustration du fait que la logistique des billets est pas tr¨¨s compliqu¨¦e.»

Pour les pi¨¨ces, ce n'est pas aussi facile. Les pi¨¨ces sont lourdes et encombrantes, en francs comme en euros.

«Par contre pour les pi¨¨ces comme c'est tr¨¨s encombrant, l¨¤ on est oblig¨¦ de passer par des interm¨¦diaires et on a cr¨¦¨¦ dans chaque d¨¦partement des centres secondaires pour stocker les pi¨¨ces. Et ces centres secondaires, donc, r¨¦cup¨¨rent les... l'ensemble des pi¨¨ces en euros pour apr¨¨s les acheminer vers les agences bancaires et vers le grand commerce et l¨¤ ce sont des casernes militaires carr¨¦ment qui ont ¨¦t¨¦ r¨¦quisitionn¨¦es pour, ¨¤ la fois, assurer la s¨¦curit¨¦ et puis disposer de la place suffisante.

«On va r¨¦cup¨¦rer donc, les pi¨¨ces en francs.  Et apr¨¨s on va r¨¦acheminer les pi¨¨ces l¨¤ o¨´ elles ont ¨¦t¨¦ fabriqu¨¦es, c'est-¨¤-dire dans l'usine de Pessac en Gironde. C'est un peu comme les ¨¦l¨¦phants, vous savez, ils vont mourir l¨¤ o¨´ ils sont n¨¦s, on dit, hein... Eh bien les pi¨¨ces, c'est la m¨ºme chose. Elles vont mourir l¨¤ o¨´ elles sont n¨¦es, ¨¤ Pessac et on va r¨¦cup¨¦rer... on estime qu'on peut r¨¦cup¨¦rer un tiers du m¨¦tal ¨¤ peu pr¨¨s. Pour les billets, par contre non. Pour les billets on ne r¨¦cup¨¨re rien.»

La s¨¦curit¨¦ n'est pas le moindre souci de toute cette op¨¦ration.

«C'est ¨¦videmment une de nos pr¨¦occupations essentielles, hein. Donc, pour vous dire, tous les vendredis matins, on a une r¨¦union avec le pr¨¦fet de police, avec les principaux banquiers, transporteurs de fonds, et tous les vendredis matins avec la police, la gendarmerie, l'arm¨¦e, etc. On peaufine la s¨¦curit¨¦ de la semaine. Donc on est tr¨¨s tr¨¨s attentif ¨¤ ça.

«Donc, moi j'ai envie de dire que paradoxalement, la p¨¦riode qui s'ouvre est presque plus sûre que d'habitude parce que m¨ºme s'il y a des tentations, il y aura tellement de dispositifs de s¨¦curit¨¦ que, j'ai pas de conseil ¨¤ donner aux gens malhonn¨ºtes mais moi, je serais eux*, j'attendrais que l'euro passe...»

Le changement va ¨ºtre plus ou moins rapide dans les diff¨¦rents pays d'Europe. Tous les pays de l'euro ne proc¨¨dent pas pareil. En Allemagne, le passage du mark ¨¤ l'euro doit se faire du jour au lendemain. En France, nous avons une p¨¦riode de six semaines durant laquelle les deux monnaies auront cours. M.Resseguier admet que ça sera une p¨¦riode difficile pour les commerçants mais il souligne que tous les pays de la zone euro vont avoir besoin de faire face ¨¤ ce probl¨¨me:

«C'est vrai. Alors, bon, en Allemagne, officiellement en effet, ils font ce qu'on appelle le Big Bang, c'est-¨¤-dire au premier janvier tout est en euros. Dans la r¨¦alit¨¦ c'est un peu plus... c'est ¨¤ nuancer parce que dans la r¨¦alit¨¦, les commerçants pourront, s'ils veulent, continuer d'accepter des marks jusqu'¨¤ la fin de l'ann¨¦e 2002, et les banques notamment.

Ce qui est souhaitable de toute façon c'est que le plus rapidement  possible en effet on passe ¨¤ une autre monnaie pour simplifier la vie courante des commerçants. Donc nous, notre ambition, et le plan ¨¦tait conçu ainsi, c'est qu'au bout d'une semaine/quinze jours il y ait quasiment plus de francs qui circulent.»

Enfin, il n'y a pas ¨¤ revenir l¨¤-dessus, le franc ne concernera bientôt plus que les collectionneurs. Sa fin est pr¨¦vue pour 2002 tandis que son origine lointaine... Au fait, de quand date le franc?

«Le franc il date de 1360 et il a ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦ ¨¤ l'¨¦poque pour payer la rançon de Jean Le Bon, futur roi de France, qui ¨¦tait prisonnier des Anglais. Et 'franc', en fait, ça venait de de la franchise, de la lib¨¦ration. C'est le vieux français, d'¨ºtre franc de quelque chose, ça veut dire d'¨ºtre lib¨¦r¨¦ de quelque chose. C'est ¨¤ cette occasion-l¨¤, donc, que le franc a ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦.»

Mais, c'est maintenant l'¨¦poque de l'Union Europ¨¦enne, m¨ºme si trois des quinzes pays membres n'adh¨¨rent pas encore ¨¤ l'euro.

«On est confiant, parce qu'on est beaucoup de partenaires et d'acteurs ¨¤ travailler dans la m¨ºme direction. Qu'il y ait des petites anicroches, des petits probl¨¨mes, c'est in¨¦vitable parce que l'op¨¦ration est de telle envergure que ça ne peut pas se faire sans petits probl¨¨mes, hein, et on en connaît d¨¦j¨¤ bien sûr. Mais, pour l'essentiel, on est confiants. Et on esp¨¨re que rapidement, cette monnaie soit un ¨¦l¨¦ment de ferment europ¨¦en, et qu'apr¨¨s, ça attire nos autres amis europ¨¦ens qui ne sont pas encore dans l'euro, et notamment nos amis anglais qu'on accueillera avec plaisir.»