Une journ¨¦e
sans voitures
«C'¨¦tait tr¨¨s tr¨¨s bien, oui...
des achats en toute tranquillit¨¦. Il y avait plein de gens dans les rues, des
animations et ça change des voitures qui passent sans arr¨ºt. C'¨¦tait tr¨¨s
bien.»
Et si on
imaginait nos villes sans voitures? Sans bruit, sans pollution ... la
reconqu¨ºte de l'espace par les pi¨¦tons.
Le 22
septembre est cette ann¨¦e une journ¨¦e interdite aux voitures dans le centre des
grandes villes de 6 heures ¨¤ 19 heures. C'est une initiative ¨¤ l'¨¦chelle
europ¨¦enne de plus en plus populaire en France. La ville de Lyon participe pour
la premi¨¨re fois ¨¤ cette op¨¦ration, dans l'enthousiasme. Timides au d¨¦but, les
pi¨¦tons n'osaient pas marcher sur la route. Puis, petit ¨¤ petit, ils ont quitt¨¦
les trottoirs. Les ¨¦lus se sont d¨¦plac¨¦s eux-m¨ºmes, ¨¤ pieds, pour appr¨¦cier le
r¨¦sultat de leur d¨¦cision.
«Beaucoup de gens sont venus, ont
laiss¨¦ leur voiture dans des parcs relais ou sont m¨ºme peut-¨ºtre simplement
venus de chez eux en moyens de transport en commun. Beaucoup de cyclistes
aussi, de rolleurs, de gens en trottinettes. Tous les modes de transport doux
sont trouv¨¦s et les gens se sont appropri¨¦s tr¨¨s tr¨¨s vite l'espace public. Les
rues sont pleines de monde et l¨¤ o¨´ avant les gens se bourraient un petit peu
sur des trottoirs trop exigus et les m¨¨res de famille n'arrivaient pas ¨¤
pousser leur poussette, eh bien maintenant, bien qu'il y ait beaucoup plus de
monde, la circulation se fait beaucoup mieux puisque les gens sont dans les
rues, et il y a en plus quelques animations qui mettent de la gaît¨¦.»
Jean-Louis
Touraine est le maire du huiti¨¨me arrondissement. Il se r¨¦jouit, comme tout le
monde, de la magie de la situation. C'est l'environnement tout entier qui est
modifi¨¦.
«L'ambiance est beaucoup plus
calme que d'habitude. D'abord, pas de nuisances sonores. C'est une chose qui a
¨¦t¨¦ remarqu¨¦e par beaucoup de monde. C'est tr¨¨s surprenant de voir autant de
monde et aussi peu de bruit. Il n'y a plus le bruit des moteurs. On entend les
fontaines. On entend les rires des enfants et on n'entend plus les bruits de
moteurs qui p¨¦taradent de tous côt¨¦s.»
Jean-Louis
Touraine est professeur de m¨¦decine. C'est donc en scientifique qu'il ¨¦value
l'aspect positif de cette journ¨¦e sur le plan sanitaire.
«Il y a eu aussi une diminution
bien sûr de la pollution atmosph¨¦rique et les premi¨¨res mesures que je viens de
voir nous montrent qu'on est ¨¤ des chiffres tr¨¨s tr¨¨s tr¨¨s significativement
inf¨¦rieurs ¨¤ des jours o¨´, pourtant, il y a beaucoup beaucoup moins de monde
dans la Presqu'île* mais o¨´ il y a des voitures.»
Une fois
r¨¦alis¨¦ l'objectif de cette journ¨¦e, les organisateurs pensent au long terme.
Mais ils doivent faire face aux commerçants qui se m¨¦fient de l'id¨¦e d'une
ville sans voitures. Et m¨ºme si la journ¨¦e a augment¨¦ la quantit¨¦ de visiteurs
dans les magasins, ça n'a pas forc¨¦ment augment¨¦ les recettes ... Il y a
toujours des m¨¦contents:
«C'est une client¨¨le de promeneurs
et pas d'acheteurs, voil¨¤. Donc, c'est pas sp¨¦cifiquement bon pour les
affaires.»
Le changement
sera par cons¨¦quent progressif et il tiendra compte des r¨¦ticences et des
int¨¦r¨ºts de tous.
«Compte tenu de l'appr¨¦ciation
positive de la part des habitants, compte tenu du fait que m¨ºme les
commerçants, dont certains au d¨¦but, ¨¦taient, l¨¦gitimement un peu inquiets pour
savoir s'il y aurait quand m¨ºme affluence et qui maintenant se rendent compte
que c'est positif, que ça peut susciter des am¨¦nagements futurs de l'espace
public o¨´ il y a un partage pour tout le monde, non pas pour bannir la voiture
mais pour faire en sorte que la voiture ne soit pas seule prioritaire en ville
et que chacun puisse trouver sa place, eh bien il y aura lors de chaque
occasion, ¨¤ Lyon, il y a la f¨ºte du 8 d¨¦cembre, et puis il y a les f¨ºtes de fin
d'ann¨¦e, et puis il y a, chaque fois qu'une manifestation sportive et
culturelle se d¨¦roule, beaucoup de gens dans la rue, dans toutes ces occasions-l¨¤,
on va faire des p¨¦rim¨¨tres assez larges, autour des manifestations, permettant
non seulement de s¨¦curiser le lieu, mais m¨ºme de laisser aller et venir tout un
chacun sans avoir le stress, l'angoisse, l'inqui¨¦tude, la crainte de la
confrontation avec la voiture. J'ai vu un nombre de parents qui aujourd'hui
¨¦taient heureux, simplement parce qu'ils ne sont pas oblig¨¦s de tenir leurs
enfants par la main d'une façon tr¨¨s contraignante parce qu'ils ont toujours
peur qu'ils mettent un pied hors du trottoir et qu'ils se fassent happer par
une voiture. Et donc il y a une libert¨¦, une sensation d'agr¨¦ment de vivre la
ville diff¨¦remment, plus douce, plus calme, moins pollu¨¦e, plus agr¨¦able.
«Nous voulons que 'la journ¨¦e sans
ma voiture' ne soit pas un
coup d'¨¦p¨¦e dans l'eau**. Il faut que ce soit prolong¨¦, prolong¨¦ par une
information pour que, par p¨¦dagogie, les automobilistes comprennent qu'ils ont
beaucoup d'avantages ¨¤ laisser leur voiture dans des parcs relais et ¨¤ utiliser
les transports en commun. Parce que la voiture est un instrument de libert¨¦
quand on veut aller ¨¤ la campagne, par contre c'est un instrument de privation
de libert¨¦ quand on vient en centre ville. La libert¨¦, c'est d'¨ºtre pi¨¦ton,
d'utiliser les transports en commun, de ne pas avoir la contrainte de chercher
un stationnement dans des endroits impossibles, d'¨ºtre pris dans des bouchons,
d'¨ºtre agress¨¦ par les automobilistes de tous côt¨¦s. Et petit ¨¤ petit, les gens
comprendront que la qualit¨¦ de vie est beaucoup plus appr¨¦ciable quand on
laisse sa voiture au vestiaire.»
Car tel est
bien le slogan de la journ¨¦e «Laissez votre voiture au vestiaire»,
comme on laisse un v¨ºtement au vestiaire. En bon psychologue, monsieur Touraine
explique le sens de la formule.
«Il y a une culture
malencontreuse, ¨¤ Lyon comme dans d'autre villes o¨´ les gens sont tellement
habitu¨¦s ¨¤ leur voiture que c'est pour eux un deuxi¨¨me v¨ºtement, une deuxi¨¨me
peau et ils ne veulent pas s'en s¨¦parer parce qu'ils se sentent comme nus. Il
faut apprendre aux gens, par la p¨¦dagogie, que non seulement enlever ce
v¨ºtement superflu qui est une carcasse contraignante qu'est la voiture, non
seulement ce n'est pas impossible, mais m¨ºme c'est un moyen d'y gagner en
libert¨¦.»
Les usagers,
eux, ne d¨¦mentent pas ses propos, loin de l¨¤.
«Oui, extraordinaire! C'est une
r¨¦v¨¦lation. C'est parfait.»