Le vide grenier

C'est dimanche matin, les cloches sonnent ¨¤ l'Aiguillon, petit village du bord de l'oc¨¦an. C'est l'heure de la sortie de l'¨¦glise .. et le d¨¦but du vide grenier.

Un vide grenier, comme son nom l'indique, c'est fait pour se d¨¦barrasser de tout ce qui ne nous int¨¦resse pas chez nous et qu'on a mis dans le grenier parce qu'on ne voulait quand m¨ºme pas le jeter.

Une fois par an, dans les villes et les villages de France, les gens ont le droit de vendre des objets dans la rue sans payer de taxe. C'est comme un march¨¦ de brocante. Il y a des professionnels et des particuliers. On trouve absolument de tout, comme au march¨¦ aux puces.

«Des verres, des tasses et puis apr¨¨s des objets divers .. le fil aussi pour les dames qui font de la couture.»

«Un vieux fer ¨¤ repasser, des vieux rasoirs de la guerre, juste apr¨¨s la guerre, des plaques de v¨¦los avec des coureurs cyclistes tr¨¨s connus, Louison Bobet, des vieux rasoirs, les premiers rasoirs Gilettes qui sont arriv¨¦s apr¨¨s les Am¨¦ricains. Vous avez un batteur ¨¤ oeuf qui marche comme ça, l¨¤, vous voyez, il faut appuyer dessus et quand il est d¨¦rouill¨¦ ça marche mieux ... ça c'est des dessous de plats, en fer forg¨¦, qui ont ¨¦t¨¦ faits certainement ¨¤ la main, hein. Vous avez encore quoi... une vieille lampe de carrosse, l¨¤... et puis plein de choses comme ça. Il y a de tout, il y a de tout chez nous!»

Justement, c'est bien le probl¨¨me, comment faire le bon choix dans tout ça?... Pour appr¨¦cier le vide grenier, il faut d'abord savoir ce qu'on aime:

«Je pense que ça marche au flash*, la personne qui voit un truc qui lui plaît l'ach¨¨te.»

« ... un peu de la saloperie ... mais je mets des guillemets ¨¤ 'saloperies', n'est-ce pas, de mani¨¨re ¨¤ ce que on comprenne, certes, que c'est de la petite marchandise mais que tout a un int¨¦r¨ºt, tout d¨¦pend du client potentiel, voil¨¤!»

Il faut savoir n¨¦gocier. Les affaires sont dures:

- Combien vous vendez ça?
- Neuf mille, madame.
- Ah non, non, pas cher, il est abîm¨¦.
- En Euros. Non, 30 francs.
- C'est cher, 30 francs.
- Eh bien, on va vous le laisser ¨¤ 25.
- Il est rong¨¦ l¨¤...
- 25, sinon, vous le laissez, c'est pas grave.
- Je vous le prends, 20 francs c'est ça? 20 francs on a dit ...
- 25, madame.
- Bon allez, 25 puisque vous ¨ºtes dur en affaires.
- Ben, oui. Voil¨¤ madame.
- Merci.

Mais si on est l¨¤ pour faire des affaires, il faut surtout savoir la valeur des choses. Chez le marchand de cartes postales anciennes, un professionnel celui-l¨¤, vous pouvez imaginer que ce sont les plus jolies prises de vues qui vont avoir le plus de valeur. Eh bien, pas du tout, figurez-vous que les plus recherch¨¦es, et par cons¨¦quent les plus ch¨¨res...

«En r¨¨gle g¨¦n¨¦rale, quand on a affaire ¨¤ des vrais collectionneurs... on peut vendre des cartes jusqu'¨¤ deux cent cinquante francs et ce sont des cartes qui ont des situations un petit peu sp¨¦ciales, comme des animaux morts par exemple au bord de la mer, des trains qui ont des accidents, des choses comme ça.

Un train qui a un accident, par exemple, en dix-neuf cent et des brouettes**, l¨¤, j'ai pas le nom, ça peut valoir entre huit-cents et mille deux-cents francs la carte. 

Les sous-marins, les montreurs d'ours, les choses comme ça sont les cartes qui sont tr¨¨s recherch¨¦es mais par une cat¨¦gorie de clients, alors, des collectionneurs, le vrai collectionneur, hein...

Et puis, apr¨¨s, c'est comme tout quoi..., tout d¨¦pend de ce que vous cherchez, c'est en fonction de ce que cherche le client.»

Effectivement, les professionnels recherchent des cartes qui racontent l'histoire. Vous pourriez y apprendre quelques myst¨¨res de la langue française. Ainsi, le bruit a couru que le port de Marseille ¨¦tait bouch¨¦ par une sardine. Et d'une certaine mani¨¨re, c'est vrai. Ce n'est pas seulement dû ¨¤ la manie qu'ont les Marseillais de tout exag¨¦rer... Une carte ancienne est l¨¤ pour le prouver:

«On a toujours dit que le port de Marseille a ¨¦t¨¦ bouch¨¦ par une sardine, ce qui est vrai mais en r¨¦alit¨¦, la sardine, c'¨¦tait pas une sardine, c'¨¦tait un bateau qui s'appelait La Sardine et il a coul¨¦ ¨¤ l'entr¨¦e du port, ce qui fait que personne pouvait rentrer ou sortir. Alors on a toujours dit '... la sardine qui a bouch¨¦ le port de Marseille', avec l'accent, s'il vous plaît, hein! Et effectivement, La Sardine a bouch¨¦ le port»

Mais enfin, ¨¤ chacun ses goûts, et partout on trouve des clients heureux:

«J'ai achet¨¦ deux livres pour ma petite fille, des tampons, une robe de poup¨¦e, et une vieille sauci¨¨re pour moi»

Globalement, tout le monde y trouve son compte, m¨ºme si certains ronchonnent*** un peu:

«Pour le moment, il y a pas grand chose qui se vend, le commerce est assez mou, si je peux m'exprimer ainsi, c'est assez mou.»

Il y en a d'autres qui savent appr¨¦cier le soleil de l'¨¦t¨¦, en buvant un coup ou en mangeant des huîtres derri¨¨re le stand...

«On fait ça quand on a envie, et aussi pour vider la grange et aussi pour le plaisir contact client¨¨le et il fait beau en plus.»

...et qui restent bien conscients de leurs privil¨¨ges:

«Les huîtres, ça, c'est pour ceux qui travaillent, donc ceux qui font les interviews n'ont pas le droit aux huîtres, hein? ...»