On a siffl¨¦ la Marseillaise
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«Un petit frisson, un petit frisson.»

«Enfin, bon, c'est pas un chant que... enfin c'est un chant un peu trop combatif ¨¤ mon goût, quoi. Pas trop... pas assez pacifique. Oui, les paroles et puis aussi le rythme, un peu tout quoi, enfin, la chanson aussi en elle-m¨ºme, quoi, la m¨¦lodie, voil¨¤...»

«Pour moi, ça repr¨¦sente la lutte pour la libert¨¦, la lutte du peuple et voil¨¤.»

«Oh! je peux pas dire que je sois indiff¨¦rent, mais ça me porte pas aux nues non plus quoi. »

«Eh bien pour moi, c'est l'hymne national. C'est le pays o¨´ je suis n¨¦. C'est ma patrie, donc pour moi c'est important, c'est repr¨¦sentatif de qui on est, de notre peuple, voil¨¤, donc pour moi, ça me suscite tout ça, c'est beaucoup d'¨¦motion.»

C'est difficile de ne pas ¨ºtre ¨¦mu par les rythmes fiers de la Marseillaise, l'hymne national de la France. Oui, mais voil¨¤, ¨¦mu comment et jusqu'¨¤ quel point?

Cette question est encore d'actualit¨¦ apr¨¨s le scandale de la finale de Coupe de France de football 2002. Les supporteurs corses du Sporting Club de Bastia ont siffl¨¦ tout au long de la c¨¦r¨¦monie qui pr¨¦c¨¨de traditionnellement ce grand ¨¦v¨¨nement sportif. Le pr¨¦sident Jacques Chirac a quitt¨¦ provisoirement la tribune pour marquer sa d¨¦sapprobation et a refus¨¦ de serrer la main des joueurs lors de la pr¨¦sentation des ¨¦quipes avant le d¨¦but du match, comme c'est la coutume.

Le geste de Chirac a ¨¦t¨¦ largement soutenu: cela participe du besoin actuel de d¨¦fendre les valeurs r¨¦publicaines, ce qui est au centre du d¨¦bat politique en ce moment. Le sentiment de «ça suffit» exprim¨¦ par Chirac a ¨¦t¨¦ partag¨¦ par la plupart des gens que nous avons sond¨¦s:

«Eh bien, c'est pas bien. Ils savent pas ce qu'ils font!»

«De la b¨ºtise, c'est plutôt de la b¨ºtise, c'est par b¨ºtise, voil¨¤.»

«C'est choquant! C'est choquant mais je pense que c'est... disons, ces Corses ind¨¦pendantistes, comme on dit, sont... d'abord sont probablement tr¨¨s minoritaires. On aimerait savoir ce que pense la masse de la population en Corse. On ne sait pas parce qu'elle ne d¨¦nonce pas, mais on ne sait pas ce qu'elle pense, hein. Il est probable que ces garçons, ces gens-l¨¤ sont tr¨¨s minoritaires et je crois que ça doit ¨ºtre des esprits un peu l¨¦gers et un peu... un peu born¨¦s.»

Les Corses ont leur propre hymne qu'ils auraient bien aim¨¦ ¨¦couter. Mais cet argument n'a pas convaincu beaucoup d'observateurs en France m¨¦tropolitaine*. «S'il veulent ¨ºtre ind¨¦pendants ils n'ont qu'¨¤ ne pas participer ou ne pas assister ¨¤ la Coupe de France,» est une r¨¦flexion qu'on a beaucoup entendu.

Au-del¨¤ de l'¨¦v¨¦nement 'choc', il reste n¨¦anmoins vrai que la Marseillaise est un hymne national dont les paroles sont controvers¨¦es. Écrites en 1792 par Joseph Rouget de Lisle, un jeune officier dans l'arm¨¦e r¨¦volutionnaire, violoncelliste et po¨¨te ¨¤ ses heures, les paroles combatives ont de quoi heurter les sensibilit¨¦s modernes.

«J'ai pas envie de dire que la Marseillaise ça doit ¨ºtre un symbole r¨¦publicain. je suis r¨¦publicaine, ou du moins d¨¦mocrate, et je trouve les paroles horribles, absolument affreuses. Donc j'ai pas envie que ce soit un symbole. S'il n'y avait que la musique, j'aimerais bien, je crois. Mais le sens des mots me g¨ºne profond¨¦ment.»

Les paroles de la Marseillaise, les voici, ¨¦crites par un r¨¦volutionnaire contre l'envahisseur autrichien venant au secours de la royaut¨¦ française.

Allons enfants de la Patrie
Le jour de gloire est arriv¨¦ !
Contre nous de la tyrannie
L'¨¦tendard sanglant est lev¨¦.
Entendez-vous dans nos campagnes
Mugir ces f¨¦roces soldats?
Ils viennent jusque dans vos bras.
Égorger vos fils, vos compagnes !

Aux armes citoyens
Formez vos bataillons
Marchons, marchons,
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons

Ils sont d'un autre temps en effet. «Autres temps, autres moeurs.»

Depuis longtemps maintenant il y a des mouvements politiques pour changer les paroles en quelque chose de moins combatif. Ils ont ¨¦t¨¦ soutenus par des gens c¨¦l¨¨bres tels que l'abb¨¦ Pierre, Danielle Mitterrand et Michel Platini aussi, mais ils n'ont jamais abouti.

Pour les traditionalistes, il faut simplement honorer l'esprit de l'hymne sans trop se focaliser sur les paroles elles-m¨ºmes:

«C'est un symbole qui marque un certain attachement ¨¤... au pays, et ¨¤ la R¨¦publique. Si... c'est pas... Moi je suis, vous savez, je suis d'une g¨¦n¨¦ration o¨´ on apprenait ces choses-l¨¤ ¨¤ l'¨¦cole, ¨¤ l'¨¦cole primaire. je ne sais pas ce qu'il en est aujourd'hui pour les jeunes gens. On apprenait, finalement, les valeurs de la R¨¦publique française, qui ¨¦taient encore vivantes ¨¤ l'¨¦poque, qui le sont probablement moins aujourd'hui, qui ressuscitent peut-¨ºtre, ce qui n'exclut pas du tout, ¨¤ mon avis, un attachement ¨¤ la constitution de l'identit¨¦ europ¨¦enne, pas du tout. C'est pas du tout incompatible, contrairement ¨¤ ce que croient des nationalistes un peu attard¨¦s.»

Depuis que Jean-Marie Le Pen de l'extr¨ºme droite a boulevers¨¦ la sc¨¨ne politique en acc¨¦dant au deuxi¨¨me tour des ¨¦lections pr¨¦sidentielles, il y a aussi celles et ceux qui ont d¨¦cid¨¦ que de respecter les traditions, m¨ºme douteuses, ¨¦tait finalement moins dangereux que de les menacer:

«Non, le patriotisme, ça me... enfin je revendique pas non plus, mais avec ce qui s'est pass¨¦ avec Le Pen, je me rends compte que il y a quand m¨ºme des symboles qui... forts, qui doivent rester, auxquels les gens peuvent... enfin qui doivent ¨ºtre une r¨¦f¨¦rence, quoi. Mais je suis pas patriotique ¨¤ fond, loin de l¨¤! Mais c'est ce qui... j'ai eu une prise de conscience par rapport ¨¤ ce qui s'est pass¨¦ avec le risque qu'il y a eu qu'on ait un fasciste au pouvoir.»