L¡¯arriv¨¦e
de la presse gratuite
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Ça a commenc¨¦ ¨¤ Paris
et ça arrive maintenant dans toutes les grandes villes de France. Aux sorties
des m¨¦tros et des gares, il y a des gens qui distribuent des journaux gratuits.
Ce sont des
journaux d¡¯actualit¨¦: ce ne sont pas les journaux hebdomadaires des petites
annonces qu¡¯on connaît depuis longtemps. Ici on trouve les grands titres du
jour, un peu d¡¯actualit¨¦ ¨¦trang¨¨re, un peu de sport et de showbiz ... ¨¤
premi¨¨re vue, ils ressemblent aux journaux payants.
Une bonne
nouvelle pour les consommateurs alors? Pas tout ¨¤ fait, selon beaucoup de
sp¨¦cialistes. L¡¯arriv¨¦e de la presse gratuite est tr¨¨s contest¨¦e. Philippe
Chaslot, journaliste ¨¤ Lyon Capitale, s¡¯explique :
« Le probl¨¨me,
c'est que cette presse gratuite arrive en France, elle est soutenue par des
groupes financiers tr¨¨s puissants qui ont pour le moment les reins solides*,
et qui ne viennent finalement que faire de l'argent. La crainte c'est qu'ils
risquent d'ass¨¦cher** le
march¨¦ publicitaire. Or ce march¨¦ publicitaire, il est n¨¦cessaire ¨¤ la presse
traditionnelle, payante, parce que cette presse traditionnelle payante, elle
coûte cher ¨¤ faire, parce que la bonne information, elle est faite par des
journalistes, par beaucoup de journalistes. Donc il faut de l'argent et comme
justement les gens ne lisent pas ¨¦norm¨¦ment, il faut la vente des journaux et
il faut aussi la publicit¨¦.»
Un journal
r¨¦gional comme Le Progr¨¨s ¨¤ Lyon compte 300 journalistes. Un hebdomodaire comme
Lyon Capitale emploie 20 journalistes. Mais les journaux gratuits comme Lyon
M¨¦tro, n¡¯emploient presque pas de vrais journalistes de m¨¦tier. Ils travaillent
la plupart du temps sur la base des d¨¦p¨ºches des agences de presse, comme
l¡¯AFP, la grande Agence France Presse. Un travail de «copier/coller» qui
d¨¦goûte les professionnels ...
«C'est de la presse 'ciseaux'
puisqu'elle coupe des d¨¦p¨ºches d'agences de presses qu'elle met bout ¨¤ bout.
Des informations qui arrivent
comme ça, et qui tombent sans qu'elles soient r¨¦fl¨¦chies et mises en forme, ça
n'a pas beaucoup d'int¨¦r¨ºt. Alors, je sais pas si les gens s'en rendront
compte... »
C¡¯est la
question que les gens se posent. Est-ce que le public fera preuve de
suffisamment de discernement pour soutenir une presse plus travaill¨¦e, ou bien
au contraire la presse gratuite donnera-t-elle le coup de grâce ¨¤ la presse
r¨¦gionale payante, dont plusieurs journaux sont d¨¦j¨¤ dans une situation
¨¦conomique tr¨¨s fragile ?
Dans les rues,
les lecteurs du Lyon M¨¦tro ne sont pas tr¨¨s impressionn¨¦s par le nouveau
produit, c¡¯est clair:
«Oui, c'est bien d'avoir les
journaux gratuits mais moi, celui-l¨¤ il ne me plaît pas trop, parce que je
trouve que les articles ils sont trop courts.»
«En plus c'est pas journalistique,
c'est que des reprises de d¨¦p¨ºches AFP, et puis ça porte atteinte au reste de
la presse, quoi... voil¨¤. La formule est pas forc¨¦ment ultra mauvaise, mais...
mais c'est gratuit, voil¨¤. Mais ça va se casser la gueule, j'en suis sûr.»
«Mais c'est pas gratuit tout le
temps?»
«Mais si! Mais pour l'instant il y
a pas de pub, mais attends qu'il y ait de la pub, t'auras la moiti¨¦ de pub, et
puis...»
Chez le marchand de
journaux, il y a m¨ºme un petit espoir que la mauvaise qualit¨¦ du nouveau
produit ram¨¨ne les gens vers la vraie presse :
«En tant que diffuseur, moi...
¨¦videmment ça reste une concurrence qui ne me plaît gu¨¨re. Maintenant, je
dirais que l'avantage, c'est qu'effectivement, ça permet peut-¨ºtre aux gens de
reprendre contact avec la presse. Si ça incite les gens ¨¤ lire une autre
presse par la suite, pourquoi pas? J'en suis pas convaincu, mais enfin,
pourquoi pas?»
Les premiers
journaux gratuits sont arriv¨¦s aux d¨¦but de l¡¯ann¨¦e et plus personne ne parle
de leur interdiction maintenant: c¡¯est un fait accompli. Mais Philippe Chaslot
pense que l¡¯Etat ne doit pas les encourager non plus:
«Simplement, je pense que les
pouvoirs publics, c'est de leur rôle et c'est de leur devoir de ne pas
faciliter la distribution. C¡¯est ¨¤ dire de ne pas donner des emplacements sur
les trottoirs ou dans les rues. Ça, je crois que c'est le devoir des
pouvoirs publics parce que... cette qualit¨¦-l¨¤ de la presse c'est aussi
n¨¦cessaire ¨¤ la d¨¦mocratie. Il faut quand m¨ºme r¨¦fl¨¦chir quand les choses se mettent
en place, et pas dire 'ah! eh bien c'est comme ça ailleurs, donc il faut le
prendre'.
En France par exemple on est le
pays de l¡¯Europe o¨´ il y a le plus de grandes surfaces. On s¡¯est aperçu vingt
ans apr¨¨s que tout ça avait un coût aussi. Dans la qualit¨¦ des produits, dans
le fait que beaucoup de petits commerçants ont dû fermer leurs portes. Ces
choses-l¨¤, on les voit pas au moment o¨´ arrive les grandes surfaces, on dit que
c¡¯est logique, que c¡¯est normal, etc. Mais simplement il faut r¨¦fl¨¦chir aux
choses, r¨¦fl¨¦chir ¨¤ la soci¨¦t¨¦ dans laquelle on veut vivre».
Et les
pr¨¦visions ¨¤ long terme?
«Moi, on me dit que ces gros
groupes, comme M¨¦tro, et cetera, sont des groupes qui sont quand m¨ºme tr¨¨s
endett¨¦s, qui perdent beaucoup d'argent, c'est-¨¤-dire qu'ils parient sur le
long terme, mais en fait pour le moment, leur affaire ne gagne pas d'argent. Il
paraît qu'ils commencent d¨¦j¨¤ ¨¤ se retirer de certaines villes. Alors qu'est-ce
qu'ils vont faire? Je ne sais pas, je suis pas devin, euh... »
Affaire ¨¤
suivre ...